Je viens d’imaginer un an de ma vie en dormant, enfin, je viens plutôt de fantasmer sur un an de ma vie. Voilà qui m’apprendra à lire Cinquante Nuances de Grey avant de dormir. Je me souviens de tout dans les moindres détails, il y a des rêves que nous préférons oublier et d’autre pas, celui-ci, j’aurais préféré ne pas m’en souvenir. Tania me sort de mes pensées.

- Ton chéri ne va pas tarder à arriver, j’ai lu le message qu’il vient de t’envoyer, c’est pour ça que je te réveille, sinon je t’aurais laissé dormir, je ne sais pas de quoi tu rêvais, mais tu avais l’air si paisible et heureuse ! 

Et encore, elle est au-dessous, d’au-dessous de la vérité. J’étais au comble du bonheur, sur la fin en tout cas. Pour le reste, c’était une drôle d’histoire compliquée.

- Merci ! 

J’ai la tête en vrac, le cœur en miettes, et le voisin joue toujours de la musique trop fort, je me lève difficilement du canapé et je vais dans mon sanctuaire. Je ferme la porte et repense deux secondes à ce que je viens de vivre. Mon rêve avait l’air si réel, je me sens complètement vidée, je sens quelques larmes couler le long de mes joues. Je me passe de l’eau sur le visage, me remaquille et ajuste mon haut en attendant mon compagnon.

Et oui, je suis en couple, et ce n’est pas avec Alan, est-ce que je devrais dire malheureusement ? Non, j’aime mon homme. Mais mon cœur est encore empreint de l’amour que j’ai éprouvé pour Alan, qui est véritablement notre voisin du dessus, mais il n’est pas en colocation avec David, il ne l’a même jamais rencontré, David est ma moitié. Alan quant à lui, est déjà en couple aussi, avec Stéphanie. Je me demande encore pourquoi mon esprit est parti aussi loin dans ces délires, c’était complètement stupide.

Je suis tirée de mes réflexions par la porte de ma chambre qui s’ouvre, c’est David qui entre.

- Voilà la plus belle !

David est vraiment quelqu’un de calme, doux, il est clairement parfait en fait, je suis heureuse avec lui, ça fait un peu moins d’un an que nous sommes ensemble et il aime prendre son temps pour tout ! Il s’approche de moi pour m’embrasser. Je suis contente de le retrouver, mais je ne ressens plus cette petite étincelle dans mon cœur, léger contrecoup de mon rêve. Il passe la nuit avec moi et lundi matin, je me réveille tôt, je ne fais pas de bruit pour ne pas réveiller David et Tania qui se lèveront bientôt pour aller bosser. Je décide de faire un peu de ménage dans la cuisine, je sors jeter la poubelle. En revenant sur mes pas, pour rentrer à l’appartement, c’est lui qui en sort, mon cœur fait un bond, ça me surprend, Alan semble préoccupé, presque triste, il passe sans m’apercevoir et j’agis de façon plus que spontanée malgré moi. Je n’aurais jamais fait ça avant.

- Alan ! 

Je hèle son prénom comme si c’était l’homme de ma vie, comme une âme désespérée, comme si l’on se connaissait alors que pas du tout, à part la politesse entre voisins, nous n’avons jamais rien partagé. Il est en couple et moi aussi. Je ne dois pas l’oublier.

- Jessica, bonjour, tu vas bien ? Tu es matinale !

Il sourit en me voyant, je fonds un peu. Et en fait, mon corps réagit à son sourire, je voudrais lui sauter dessus. Je culpabilise d’avoir ce genre de pensées, tout ça à cause d’un stupide rêve.

- Oui, ça va et toi ? Tu as l’air tout pensif.

- C’est pas la grande forme, on s’est séparé avec Stéphanie.

Quoi ? Il est de nouveau sur le marché des célibataires ? Mais moi pas, non d’un petit-pois, je ne dois pas penser à ça, ce n’est pas bien du tout.

- Oh, je suis tellement désolée pour vous deux. Si tu as besoin de quoi que ce soit, même si l’on ne se connait pas bien, n’hésites pas ! 

- Merci, c’est très gentil de ta part ! Je te laisse, je vais être en retard.

- Bonne journée ! 

- À toi aussi !

Puis il disparait au coin de la rue, pendant que je rentre à la maison. David est levé, il est dans la cuisine, café en main.

- J’aimerais bien savoir ce qui te rend si enthousiaste !

Il a raison, je souris bêtement, ce n’est pas correct du tout, je me giflerais pour ça, j’aime David, je n’ai pas envie de lui faire du mal… 

- Les vacances, mon chéri, les vacances ! 

- Ce n’est pas bien de narguer ton pauvre chéri un lundi matin !

Je m’approche de lui pour l’embrasser sur la joue. 

Je vais passer tout ce temps de libre à profiter du soleil, de mon homme et de peindre à la fraîche. J’avais vraiment besoin de vacances ! J’ai entendu et vu Stéphanie déménager ses affaires de chez eux, je l’ai jamais aimé celle-là, une gonzesse prétentieuse, toujours maquillée comme un camion volé, la même fille que dans mon rêve quoi, pour ça, je ne l’ai pas changé, sauf que ce n’est pas le plan cul d’Alan ! En tout cas, elle est toujours venue pendant qu’Alan n’était pas là, sauf mercredi soir, il était un peu plus de 17h, quand il est rentré, je les ai entendu hurler depuis le palier, ils se traitaient de tous les noms d’oiseaux possibles. J’ai attendu d’entendre leur porte claquer pour prendre quelques morceaux de brownies de Tania et une bonne bouteille pour monter. Je ne comprends pas cette nouvelle obsession que j’ai pour lui, je ne le connais pas, j’ai inventé son caractère de toute pièce, un caractère et un mode de vie excitant, mais imaginaire, je ne dois pas l’oublier. Je toque à sa porte. Il l’ouvre violemment en hurlant.

- Ne remets plus les pieds ici espèce de salope !

Je reste choquée devant lui, je ne m’attendais pas à un tel accueil, j’aurais peut-être dû attendre un peu plus longtemps avant de monter, en tout cas, il n’a pas l’air d’avoir envie de se remettre avec elle. 

- Jessica, je suis confus, je ne pensais pas que c’était toi.

- J’espère bien ! Je viens en paix ! 

Je lui dis ça avec un grand sourire pour qu’il comprenne qu’il n’y a pas de problème ! Je lui montre les gâteaux et la bouteille pour souligner mes mots, il répond également d’un sourire et me laissant entrer.

- Tu sais comment remonter le moral des troupes, toi !

Cet Alan boit déjà, voilà une différence notable !

- Oui, je vous ai légèrement entendu vous étriper, je me suis dit que tu aurais besoin de décompresser un peu ! 

- Je suis désolé pour ce que tu as entendu. Tu as raison, c’est exactement ce que j’allais faire, mais seul, je suis content d’avoir de la compagnie ! Installe-toi ! 

Quand je décroche enfin mon regard du sien, je me rends compte également que son appartement n’est pas du tout identique au nôtre, je l’avais imaginé pareil, car je n’étais jamais rentrée, mais même si c’est subtilement meublé comme nous, les meubles sont complètement différents.

- C’est très joli chez toi !

- C’est Stéphanie qui a presque tout choisi…

- Ah ! Désolé.

- Tu ne pouvais pas savoir ! Je pense que je vais finir par tout changer et faire comme j’en ai envie !

- Je suis bonne décoratrice si tu veux !!! 

- Tu as d’autres talents cachés ? 

Si tu savais mon petit ! Non, je ne peux pas lui répondre ça ! Je me contente de sourire. Je ne dois pas flirter avec lui, il vient de se séparer et je suis en couple, c’est vraiment mal.

Alan ramène des verres et nous commençons notre petite soirée. Mon portable vibre plusieurs fois, David m’envoie des messages et pour éviter de discuter avec lui, je lui dis que je vais peindre, il sait très bien que je suis trop concentrée quand je peins pour répondre.

- Petit ami ?

Sa question me fait lever le nez de mon portable pour plonger mes yeux dans ses deux joyaux bleus. Avec toi ? Quand tu veux ! Mon dieu, non. Arrête de penser à ça Jessica. Je n’aurais pas dû monter et chercher quelque chose que j’ai déjà. Un homme.

- Oui, une vraie pipelette, mais je suis venue pour te remonter le moral ! Donc, tu joues de la guitare, c’est ça ?

- Oui, depuis tout petit ! 

- J’adore la guitare, j’aimerais en jouer !

En disant cela, je revois encore cette leçon de guitare sensuelle qu’il m’a faite en rêve. J’aimerais qu’il m’en fasse encore une, mais en vrai ! Pas du tout, Jessica, tu n’as rien envie du tout. 

- C’est tellement simple ! 

- J’ai su jouer les premières notes de Smoke on the water de Deep Purple, mais ça ne va pas plus loin !

Malheureusement, mes cours de guitare en rêve ne m’ont pas servi à grand chose ! Et c’est vrai, la seule chose que je sais jouer à la guitare, c’est cette intro, un ex petit copain me l’a apprise ! 

- Je veux entendre ça alors ! 

Il se lève pour aller chercher sa guitare dans ce qui doit être aussi chez eux, chez lui, un bureau. 

- J’ai dit que j’ai su, c’était il y a longtemps ! 

- Oh allez, je suis là, je vais te guider ! 

Il me tend la guitare et je la place sur mes genoux, une fois la guitare en main, je me rends compte que j’ai vraiment oublié les trois notes à jouer ! Je lui lance un regard d’appel à l’aide. Il explose de rire ! Son rire est aussi, voir même plus, charmant que ce que j’avais imaginé. Il attrape mes doigts pour les placer, son contact fait battre mon cœur plus vite.

- Tu places ta main comme ça, un doigt ici, un ici et un là !

Je m’exécute et il me guide pour jouer les notes qui vibrent sous mes doigts. J’adore ! 

- Bon, c’est pas la folie, mais on va dire que tu te débrouilles plutôt bien ! 

- Non, mais dit, ne critique pas mon niveau s’il te plait ! Joue-moi quelque chose ! 

Je lui rends la guitare pour qu’il me joue un morceau, il se place et reprend la même musique de Deep Purple, mais en mieux, en bien mieux. Je le regarde, fascinée, il me sourit, j’aime bien le voir sourire. Il joue presque la musique en entier.

- Ah ouai quand même ! Je m’incline ! 

- Merci ! Ce n’est pas compliqué, je t’assure ! 

- Dit-il alors qu’il fait de la guitare depuis tout petit ! 

On rigole bien tous les deux, je m’éclipse un moment pour aller au petit coin, il a mis de la musique et me ressert un verre quand je reviens. Du Nirvana en fond sonore, je ne peux pas m’empêcher de gesticuler sur le tempo. 

- Tu es une femme qui a la musique dans la peau, Stéphanie n’était pas très musique.

Ça y est, on parle du sujet qui fâche. L’alcool délie les langues, c’est bien connu. C’est le moment de poser les questions indiscrètes !

- Oui, la musique m’est indispensable. Qu’est-ce qu’il s’est passé entre vous ?

- Cette salope s’est tapé un ami proche, sept ans qu’on était ensemble et voilà comment elle me remercie cette sale garce.

- Ah oui, c’est dur, sept ans ça commence à faire…

Il me sourit, mais à ce regard triste, je tente de changer de sujet en posant des questions sur sa vie. La belle Alyssa, n’était qu’une fille que j’ai inventée de toute pièce malheureusement.

- Tu as des frères ou sœur ?

- J’ai un petit frère, un crétin de 21 piges qui prend les nanas pour des jouets, il m’agace, mais c’est la famille ! Et toi ?

- Deux sœurs plus jeunes aussi ! Ça fait quelques mois qu’on ne s’est pas parlé, petits différents avec ma mère !

Je suis nostalgique de ce rêve où ma mère devenait une mère aimante et douce et me comprenait. Je deviens nostalgique aussi de la relation que j’avais avec Alan. On a l’air tous les deux abattu, je décide donc de choisir la prochaine musique ! Une musique qui bouge, une musique de Téléphone, Ça c’est vraiment toi, elle démarre est étant bien alcoolisée, je commence à chanter et danser gaiement pour lui changer les idées et ça marche. On finit même par déménager son salon, pousser les meubles dans tous les sens. On rigole comme deux ados à une soirée, le courant passe super bien, je suis contente et lui, il a l’air de passer un bon moment aussi, il oublie ses tracas. 

Nous dansons ensemble au rythme de la musique des années 80, on doit faire pas mal de bruit, et ça ne nous gêne pas le moins du monde. Et c’est comme ça, que je suis encore partie en cacahuète, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, en une fraction de seconde, je me retrouve suspendue aux lèvres d’Alan, il est plus que surpris et lorsque ma bouche quitte la sienne, il me pousse sur le canapé pour m’embrasser encore à pleine bouche, une main parcourant le haut de mon corps. C’est mille fois mieux que la sensation que j’avais imaginée dans mon rêve. Je gémis contre lui, pleine de désir, j’ai l’impression d’être à ma place, mais je ne le suis pas.

- Alan, je ne peux pas faire ça…

Il s’arrête, il a les pupilles noirs, il est aussi excité que moi, mais je ne peux pas faire ça, même si j’en crève d’envie.

- Je suis désolée, je ne sais pas ce qu’il m’a pris, ce n’est pas correct… 

Ce qu’il m’a pris, c’est que je sais très bien que je suis attirée par lui depuis que j’ai rêvé de cette petite vie parfaite que j’avais avec lui. Il est toujours au-dessus de moi, avec ce regard de braise, il se penche encore une fois pour m’embrasser, je tourne la tête, pour lui signaler que je ne plaisante pas, il ne parle pas, et se contente de me lancer encore ce regard et d’essayer encore de m’embrasser, je le pousse pour me dégager de là.

- Désolé, Alan, je pense que je vais rentrer.

Je me lève et commence à partir en titubant, je ramasse mon portable, il est plus de minuit passé. Je commence à paniquer de ce que je viens de faire, je n’ai jamais fait quelque chose comme ça et Alan ne facilite pas ma conscience en attrapant mon bras et en me plaquant contre le mur de son salon, il saisit ma gorge avec passion, un peu violemment, m’obligeant presque à l’embrasser, je dis bien presque, car je n’ai pas besoin de grand-chose pour céder, encore, alors que je ne le devrais pas.